Étymologiquement, le mot liturgie (leitos, public et ergon, œuvre) signifie l’œuvre ou l’action du peuple. La liturgie est une œuvre publique, un service partagé. Dans la Grèce antique, elle représentait un service civil, voire une corvée que les citoyens devaient effectuer au service de l’intérêt général. Notre compréhension, au sein d’une théologie de la grâce, est différente : la liturgie n’est certainement pas un service rendu par le peuple mais un service rendu au peuple, un service dans lequel il peut se construire en accueillant une parole qui l’aide à structurer sa foi.
Comme les enfants aiment qu’on leur raconte toujours les mêmes histoires car elles leur font du bien, elles parlent d’eux, de leurs angoisses, de leurs peurs et de leurs désirs, la liturgie nous rappelle, à temps et à contretemps, le pardon, la louange et la bénédiction de Dieu. Comprise comme déroulement du culte, la liturgie retrace, comme on raconte une histoire, le récit de la relation entre Dieu et les humains que nous sommes. En respectant un certain ordre, elle fonctionne comme un rite qui reflète les convictions de l’Église, tout en laissant place à une certaine diversité. En récapitulant en quelques textes les grandes articulations de la foi chrétienne, elle relève de ses paroles qui construisent la foi. Au sens précis, on peut la définir comme l’ordonnance des paroles et des actes par lesquels la communauté écoute, reçoit, prie, adore et annonce son Seigneur.
Dans un monde où tout change, sans pour autant vivre dans le passé, mais tous tournés vers l’avenir, la liturgie exprime la continuité de l’Église. Elle en exprime aussi l’universalité. Si chacun exige la liturgie qui lui plaît, refuse d’entrer dans la recherche et la découverte communes, dans le chemin séculaire et actuel où il faut marcher ensemble, il n’y a plus de communauté.
La liturgie exprime un mouvement. Elle n’est ni répétition ni piétinement mais progression. Ce qui importe c’est de ne pas juxtaposer des textes mais d’avancer dans un double mouvement : autour de la Parole, autour de la Sainte Cène, jusqu’au moment du retour vers la vie quotidienne, sous la même bénédiction.
Enfin elle exprime une invitation. Elle n’est pas célébration d’un mystère pour initiés, mais joie partagée de ceux qui s’assemblent autour d’une présence mystérieuse. La communauté reste ouverte et son langage, s’il est étrange sûrement d’une certaine manière, doit demeurer compréhensible.
Tout commence par la grâce. L’accueil proclame la grâce, et la louange y répond. Ces deux moments rappellent que le culte commence par la gratuité. Il est bon de prendre le temps de s’inscrire dans la grâce et d’y répondre par la reconnaissance et l’adoration.
Après la reconnaissance, le culte comporte une séquence qui évoque la conversion en associant la volonté de Dieu, la repentance et la déclaration du pardon. L’ordre de ces trois temps peut varier selon les accentuations qu’on souhaite donner au culte. Dans l’Église réformée, l’ordre classique enchaîne la loi qui conduit l’humain à reconnaître son péché et lorsque celui-ci est confessé, le pardon est déclaré. Elle propose une variante qui commence par la repentance et la déclaration du pardon pour conduire à l’écoute de la volonté de Dieu. Il est enfin possible de commencer par l’annonce du pardon qui suscite la repentance et l’attention à la volonté de Dieu. Quel que soit l’ordre, cette séquence théologique rappelle à l’humain qu’il est toujours pécheur, toujours pardonné et toujours appelé.
La séquence suivante comporte la prière d’illumination et la ou les lecture(s) biblique(s), suivies de la prédication et de la confession de foi. Après avoir rendu grâce et avoir parcouru le chemin de la conversion, le participant au culte est disponible pour se mettre à l’écoute de la Parole. La prière d’illumination invoque l’Esprit sur chaque membre de l’assemblée afin que la Parole le rejoigne dans son intimité. L’écoute de la ou des lecture(s) biblique(s) et de la prédication, la confession de foi sont autant de façons d’entendre la Parole et d’éclairer les intelligences.
Après avoir entendu l’Évangile, la séquence suivante est une ouverture vers le monde et le prochain à travers les annonces, l’offrande et l’intercession. Les annonces sont un échange d’informations sur la vie de la communauté et de l’Église au sens large du terme. Elles préparent la réponse des participants par le partage de l’offrande et de la prière d’intercession.
Une fois les différents temps de culte traversés, le participant peut rentrer chez lui non sans avoir reçu la bénédiction de la part de Dieu. Si dans la vie chrétienne tout commence par la grâce, tout se termine dans la bénédiction. Au moment de se séparer, on se souvient que la parole ultime de l’Évangile est une parole bénissante, une parole qui dit le bien, qui fait du bien.
En répétant dimanche après dimanche les mêmes séquences, nous laissons les différents temps de la liturgie nous parler afin de permettre à notre foi de s’enrichir et de s’épanouir en plénitude. Selon notre humeur, nous sommes plus sensibles à l’une ou l’autre de ces séquences ; le caractère objectif de la liturgie nous rappelle celles que nous aurions tendance à négliger.
sources :
Église Réformée de France, revue information-évangélisation, 1973/4
A.Nouis, Le sens du culte, Ed. Olivétan, Lyon, 2010